Les systèmes de traitement hybrides : une méthode de filtration de l’eau au potentiel prometteur pour les serriculteurs et les pépiniéristes

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Installation d’un système de traitement hybride permanent. L’utilisation des unités de traitement hybride mobiles permet d’optimiser, selon les besoins particuliers de chaque producteur, l’enchaînement des substances utilisées pour éliminer les régulateurs de croissance des plantes et les pesticides ainsi que les éléments nutritifs et les populations fongiques.

La recirculation de l’eau est de plus en plus reconnue comme une nécessité, vu l’enjeu à deux volets que représentent la disponibilité des ressources en eau et le rehaussement continu des restrictions environnementales en matière de ruissellement avec lesquelles doivent composer les serriculteurs et les pépiniéristes. Si la conservation de l’eau est devenue un objectif incontournable, il reste que l’eau de recirculation présente de nombreux risques et enjeux puisqu’elle renferme souvent des résidus d’éléments nutritifs, de pesticides et de régulateurs de croissance des plantes qui peuvent avoir un effet délétère sur la production agricole. Des chercheurs de partout dans le monde tentent d’améliorer la qualité de l’eau de recirculation, et plusieurs projets actuellement financés par la grappe de recherche dirigée par l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale (ACHO-COHA) se concentrent sur la recherche de solutions viables et abordables en ce sens.

La recherche « Favoriser la recirculation avec des systèmes de traitement hybrides » est un projet de deuxième phase qui s’inscrit dans la foulée des travaux de longue haleine menés par Ann Huber, Ph. D, microbiologiste de l’environnement, du Soil Resource Group. Ce projet fait partie de la grappe scientifique financée par l’ACHO-ACHO et le gouvernement du Canada dans le cadre des programmes Agri-science du Partenariat canadien pour l’agriculture.

Un système de traitement hybride est, tout simplement, une approche non végétalisée et artificielle qui assure la filtration et l’épuration de l’eau au moyen d’une série de filtres à matériaux organiques et inorganiques. Comme l’explique Mme Huber, « le système de traitement hybride est une technologie d’épuration de l’eau mettant à profit les recherches antérieures sur les zones humides artificielles et les bioréacteurs à copeaux de bois. Bien que les dispositifs actuels aient chacun fait la preuve de leur utilité pour l’élimination de certains agents pathogènes et éléments nutritifs, il existe de nombreux facteurs externes qui peuvent entraver leur efficacité. »

Les projets de recherche antérieurs de Mme Huber ont déjà démontré l’efficacité des systèmes de traitement hybrides pour l’élimination de certains éléments nutritifs, notamment l’azote et le phosphore, et agents pathogènes fongiques. L’objectif du projet actuel est d’élargir la portée de la recherche pour y inclure d’autres produits chimiques utilisés en serriculture, en particulier les régulateurs de croissance des plantes, que l’on sait affecter la croissance des plantes même lorsqu’ils sont trouvés en de très faibles concentrations dans l’eau de recirculation.

Assujettis à un cycle de financement habituel de quatre à cinq ans, les projets de recherche sont généralement définis en fonction de dates de début et de fin très précises. Cependant, comme les enjeux liés à l’eau dans le secteur de l’horticulture sont depuis longtemps une priorité absolue pour les gouvernements et l’industrie, Mme Huber est parvenue à faire de ses recherches sur les technologies de recirculation de l’eau une entreprise à long terme et pratiquement interrompue depuis 2007.

Non seulement les projets de recherche menés d’une manière continue par Mme Huber offrent-ils des avantages très évidents sur le plan de la communication de résultats de recherche sans cesse actualisés aux membres du secteur, mais ils génèrent aussi des gains d’efficacité non négligeables sur le plan financier. Ainsi, deux unités pilotes mobiles construites dans le cadre d’un projet de recherche antérieur financé avec le soutien de Fleurs Canada (Ontario), au coût de 50 000 $ chacune, font désormais partie intégrante de ce projet de deuxième phase.

« Pour autant que je sache, aucun autre système comme le nôtre n’est actuellement utilisé à l’échelle pilote pour la recherche sur la recirculation de l’eau, affirme Mme Huber. Ce système, tel qu’il est conçu, permet de faire l’essai de jusqu’à huit matériaux filtrants minéraux ou organiques dans n’importe quelle combinaison ou, encore, d’étudier le même matériau filtrant selon divers débits et temps de rétention. Qui plus est, ce système nous permet d’analyser l’eau d’une serre commerciale à la ferme sans pour autant compromettre la santé de la culture. »

Le travail de Mme Huber visait à l’origine à étudier la capacité des bioréacteurs de dénitrification à copeaux de bois à éliminer divers polluants présents dans l’eau. Bien qu’elle continue d’être optimiste quant à l’utilisation des copeaux de bois comme méthode efficace et économique pour éliminer certains contaminants, Mme Huber a inclus à la portée du projet de recherche en cours un certain nombre de matériaux filtrants minéraux – y compris le gravier concassé, la wollastonite, le sable filtrant et un mélange de gravier concassé et de scorie – afin d’élargir l’éventail des composants indésirables que peut éliminer un seul système de traitement « hybride ».

Par ailleurs, alors que d’autres chercheurs étudient des systèmes à matériaux organiques (p. ex. les copeaux de bois) utilisant un processus aérobie aux fins de l’élimination des résidus de pesticides et de régulateurs de croissance des plantes, Mme Huber et son équipe mènent une étude utilisant une approche anoxique qui permet de tirer profit de la capacité du système de traitement actuel à éliminer l’azote et les agents pathogènes fongiques.

Le projet de recherche actuel arrive à mi-parcours à l’automne 2020, et Mme Huber et son équipe ont réussi à atténuer les répercussions de la pandémie de COVID-19 qui aurait pu nuire à la progression de leur recherche. La plupart des travaux sont effectués à l’extérieur et dans des environnements à contact restreint. Par ailleurs, Mme Huber et sa collaboratrice, Mme Jeanine West, sont extrêmement chanceuses d’avoir des techniciens qualifiés au sein de leur famille.

Bien que les résultats préliminaires de la recherche ne soient pas concluants, les données recueillies par l’équipe de recherche à ce jour sont très prometteuses, comme en font foi les analyses de la qualité de l’eau et les résultats des épreuves biologiques. L’équipe a été en mesure de démontrer qu’on pouvait éliminer divers régulateurs de croissance des plantes et pesticides au moyen de plusieurs matériaux filtrants dans le cadre d’études par lots, et les résultats des épreuves biologiques démontrent que l’élimination des régulateurs de croissance des plantes a un effet positif sur la croissance. Fait intéressant, les épreuves biologiques sont capables de détecter la présence de certains régulateurs de croissance des plantes à des concentrations inférieures au seuil de sensibilité des épreuves de laboratoire.

Comme il s’agit d’une toute nouvelle technologie, seuls trois producteurs – deux floriculteurs et un pépiniériste – utilisent actuellement des systèmes de traitement hybrides pour traiter leur eau de recirculation. L’équipe de recherche est convaincue que ces premiers résultats atteindront leur objectif initial, soit offrir aux producteurs une approche valable et abordable pour produire une eau de recirculation propre pour leurs besoins de production.

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Équipe de recherche :

Dr. Ann Huber, Soil Resource Group

Dr. Jeanie West, Phytoserv

Mme Elizabeth Huber-Kidby, technicienne, se prépare à prélever des échantillons d’eau dans huit cellules, chacune contenant un matériau filtrant différent. Tous les échantillons d’eau sont envoyés aux laboratoires de l’Université de Guelph, où ils sont soumis à des analyses de détection de régulateurs de croissance des plantes et de pesticides, et aux laboratoires SGS Agri-Food (Guelph), où ils font l’objet d’analyses de détection d’éléments nutritifs.
Les deux remorques de traitement hybride mobiles, actuellement installées chez Walden Greenhouses, à Wainfleet, en Ontario, ont été conçues et construites pour le projet pilote de première phase.
Épreuve biologique portant sur le paclobutrazol (Bonzi™) : Les semences de brocoli sont mises en terre dans de la vermiculite trempée dans les solutions d’essai, à des concentrations allant de 6 à 400 microgrammes par litre (parties par milliard). Quatorze jours après la mise en terre, la longueur de l’hypocotyle de chaque plante est mesurée et comparée à celle de l’hypocotyle de plantes témoins (sans régulateur de croissance des plantes).