Étudie l’incidence des températures internes des plantes sur leur croissance

plants inside a greenhouse

Un projet de recherche canadien, le premier du genre au monde

À l’instar d’une serre, de nombreuses formes et structures végétales peuvent capter l’énergie solaire. La température interne de fleurs en forme de cuvette ou de parabole (comme le pavot, le bouton-d’or et l’anémone) peut être de plusieurs degrés plus élevée que celle de l’air ambiant. La pubescence de chatons de saule et de plantes similaires peut piéger la chaleur. Et, à l’intérieur de fleurs fermées comme les gueules-de-loup, la température interne est jusqu’à sept degrés Celsius plus élevée que celle de l’air ambiant.

La documentation à l’appui de l’observation de phénomènes liés aux structures florales remonte au 18e siècle. Plus récemment, les avancées technologiques ont permis de constater que l’effet de serre créé par les tiges creuses des plantes augmente la température à l’intérieur de celles-ci. Si un grand nombre de recherches traitent de l’incidence des températures ambiantes sur la croissance végétale, il reste qu’on comprend peu de choses sur la manière dont les variations de température attribuables à la forme des plantes, en particulier à l’intérieur de tiges creuses et d’autres structures, influent sur la croissance végétale.

Dans le cadre du projet de recherche « Températures internes des plantes horticoles (tiges et fleurs) », M. Peter Kevan, Ph. D., de l’Université de Guelph, et Mme Charlotte Coates, étudiante à la maîtrise, étudient les régimes microthermiques à l’intérieur de tiges florales et de fleurs dans l’espoir que leurs travaux déboucheront sur des applications concrètes dans des domaines tels que la culture, l’esthétique et, peut-être, la lutte contre les maladies et les ravageurs.

Selon M. Kevan, il s’agit d’un projet de recherche très pointu et le premier du genre au monde. « Nous avons une compréhension générale des mécanismes entrant en jeu dans l’effet de serre, mais très peu d’études ont été réalisées sur l’effet de microserre. La serre est un macromodèle doté d’un environnement extrêmement protégé et, en dépit de cela, nous ne parvenons pas à en maîtriser totalement de nombreux aspects ». M. Kevan et son équipe suggèrent que notre compréhension des interrelations entre les nombreux mécanismes de notre macromodèle — la serre — peut s’appliquer à l’étude de l’effet de microserre créé à l’intérieur des plantes, ces interrelations ayant une incidence réelle sur la croissance, la maturation, la reproduction et la santé des plantes.

Kevan explique qu’un régime microthermique décrit simplement les conditions présentes dans un très petit espace (micro = petit; thermique = chaleur ou température; régime = environnement). Notre projet de recherche est axé sur la serriculture florale et examine l’incidence des variations de température causées par l’effet de microserre qui se crée à l’intérieur des tiges creuses et d’autres parties végétales de plantes d’intérieur et d’extérieur.

« Nous avons eu de la chance, car la conception initiale de ce projet comprenait déjà une production intérieure et une production extérieure », fait remarquer Mme Coates, en ajoutant que l’équipe de recherche a pu poursuivre ses travaux en 2020 et en 2021 dans un environnement extérieur grâce à la mise en place de certaines mesures de protection supplémentaires contre la COVID-19.

peter kevan

Dr. Peter Kevan

University of Guelph

Charoltte Coates

Étudiante à la maîtrise

Figure 1. Fleur de citrouille (Cucurbita pepo L.). La photo du haut a été prise à l’aide d’une caméra infrarouge à balayage frontal qui produit une image thermique de la température à la surface de la fleur. L’échelle graphique indique la température (°C) qui correspond à chaque couleur de la photo.

Dans l’environnement extérieur, diverses variétés de courges ainsi que certaines plantes indigènes (p. ex. l’asclépiade) se prêtent parfaitement à la production de grandes quantités de données, lesquelles peuvent faire l’objet d’analyses ultérieures visant à déterminer l’incidence de la température et de la lumière sur la croissance des tiges et le développement des semences. Les résultats de ces analyses peuvent ensuite être transposés dans un environnement intérieur. Les travaux de recherche dans un environnement extérieur sont principalement menés sur des terres privées avec le soutien et au profit de producteurs participants des régions de Guelph, de Cambridge, de Kitchener-Waterloo, de Peterborough et d’aussi loin que les Laurentides au Québec.

Malheureusement, une partie de nos travaux préliminaires a été menée en vain dans les serres de l’Université de Guelph, car les restrictions d’accès instaurées en raison de la COVID-19 ont empêché l’équipe de surveiller ou d’entretenir leurs parcelles expérimentales initiales. Quoi qu’il en soit, M. Kevan est convaincu que les travaux qui seront réalisés au cours des deux prochaines années dans le cadre du projet de recherche produiront des résultats intéressants et, en fin de compte, utiles.

C’est grâce à l’équipement spécialisé de haute technologie à sa disposition — un équipement peut-être pas des plus sophistiqué par rapport aux normes actuelles —, que l’équipe de recherche a pu concevoir le projet et établir ses objectifs.

Figure 2A. Gerbéra de Jameson (Gerbera jamesonii) cultivé dans la serre Van Geest Brothers à Grimsby, en Ontario. La photo montre des enregistreurs de la température de l’air ambiant et de la température à l’intérieur de la tige. La parcelle à l’étude contenait des gerbéras à tiges plus ou moins creuses. Les résultats ont montré que les températures étaient plus extrêmes, à la fois plus chaudes et plus froides, à l’intérieur de tiges creuses qu’à l’extérieur de tiges pleines de gerbéras.

Figure 2B. Vous voyez ici un gerbéra de la variété Prestige avec un thermocouple à fil fin inséré à l’intérieur de la tige enregistrant la température interne et un autre thermocouple fixé à l’extérieur de la tige enregistrant la température de l’air ambiant.

Les thermocouples — sondes thermométriques constituées d’une paire de fils très fins — sont utilisés pour mesurer la température à l’intérieur de tiges, de fleurs et de fruits. Chaque unité portative d’enregistrement de données alimentée par batterie peut surveiller jusqu’à huit plantes pendant au moins sept jours consécutifs. Dans l’environnement extérieur, l’utilisation d’écrans anti-rayonnement éliminant l’effet de la chaleur rayonnante du soleil permet de comparer avec précision les températures internes aux températures ambiantes.

Des dispositifs de mesure du rayonnement solaire sont utilisés pour la collecte de données sur la quantité de rayonnement incident. Des spectromètres caractérisent le type de lumière présente. Branchés à un ordinateur, ils peuvent produire un graphique du spectre de la lumière visible et calculer l’étendue de chaque longueur d’onde de lumière présente à la fois à l’extérieur et à l’intérieur des structures creuses de plantes.

Des caméras thermiques sont utilisées pour mesurer avec précision la température à la surface des plantes. « Les caméras thermiques sont devenues un outil important pour de nombreux serristes, souligne Mme Coates. Toutefois, les modèles peu coûteux utilisés par les producteurs ne fournissent pas toujours des données très précises. L’un des objectifs de ce projet est de fournir aux producteurs des données qu’ils pourront utiliser pour mieux interpréter leurs propres lectures de caméra thermique. »

Conçues pour soutenir le secteur de la floriculture de serre commerciale et initialement axées sur la production de gerberas à forte valeur ajoutée, les recherches en cours sont menées grâce à la généreuse collaboration d’un serriculteur établi à Grimsby, en Ontario. Les résultats de ces recherches devraient aussi être d’un intérêt considérable pour le secteur des produits horticoles comestibles. Certaines observations préliminaires — mais non encore documentées — ont été faites sur l’incidence des variations de température à l’intérieur des parties creuses de poivrons cultivés dans la serre d’un producteur participant de Kingsville, en Ontario.

Figures 3A et 3B. Gueules-de-loup (Antirrhinum majus) de différentes couleurs poussant dans la serre expérimentale de l’Université de Guelph. Les températures à l’intérieur des pétales clos sont jusqu’à 4,5 °C plus élevées que celles de l’air ambiant.

Le travail de l’équipe dans l’environnement extérieur a également mis en évidence un lien avec les travaux de recherche en cours sur la préservation des populations de pollinisateurs, ajoute Mme Coates. Les températures florales ont une incidence non seulement sur le comportement des pollinisateurs, mais aussi sur des facteurs floraux tels que l’humidité, le port, la fertilisation et la production des semences. En étudiant diverses parties de plantes au moyen de techniques micrométéorologiques, nous pourrons mieux comprendre comment la température affecte les relations entre les pollinisateurs et les plantes. Ceci est un aspect particulièrement important pour la phénologie, car les plantes et les pollinisateurs dépendent de leur présence simultanée. Force est de constater que régimes de température affectent les systèmes pollinisateurs dans leur ensemble plutôt que les plantes et les pollinisateurs pris isolément.

Kevan remercie l’ACHO pour son soutien à l’égard d’un projet que beaucoup de gens peuvent considérer quelque peu hors norme, et il croit que les conclusions de ce travail de recherche et de suivi placeront le Canada sur la carte. « Nous avons déjà suscité l’intérêt de la communauté scientifique de partout dans le monde, notamment aux États-Unis, en Russie, en Australie, en Europe et en Inde », dit-il.

Figure 4, haut / la gauche. Photo infrarouge de fleurs de Gerbéra poussant dans la serre Van Geest Brothers. Température moyenne à la surface des fleurs : 22,5 °C; température moyenne à la surface des tiges : 20,7 °C; température moyenne à la surface des feuilles : 20,1 °C. Figure 4, bas / droite. Photo couleur des fleurs à l’étude.

Ce projet fait partie de la grappe « Accélérer l’innovation végétale verte au profit de l’environnement et de l’économie », et il reçoit un financement de l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale (COHA-ACHO), d’entreprises du secteur privé et du gouvernement du Canada au titre du programme Agri-science du Partenariat canadien pour l’agriculture, une initiative fédérale, provinciale et territoriale.

Liens connexes

International Journal of Biometeorology
(2018)
Short communication: thermal regimes in hollow stems of herbaceous plants—concepts and models
Peter G. Kevan1 & Patrícia Nunes-Silva1 & Rangarajan Sudarsan2

Bulletin of the North-Eastern Scientific Center, Russia
(2019)
Temperatures within flowers & stems: Possible roles in plant reproduction in the north
Peter G. Kevan1, Evgeniy A. Tikhmenev2, Patricia Nunes-Silva1

OPEN ACCESS GOVERNMENT, University of Guelph
(2019)
How plants regulate their body temperatures: Implications for climate change science & policy
Peter G. Kevan, University Professor Emeritus at the School of Environmental Sciences, University of Guelph

www.researchoutreach.org
(2019)
Secrets of the Stalk: Regulating plant temperature from the inside out
Dr. Peter Kevan

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(2019)
The thermal ecology of flowers
Casper J. van der Kooi1,*, , Peter G. Kevan2 and Matthew H. Koski3,
1Groningen Institute for Evolutionary Life Sciences, University of Groningen, Groningen, the Netherlands, 2School of Environmental Sciences, University of Guelph, Guelph, Canada and 3Department of Biology, University of Virginia, Charlottesville, VA, USA

Thermochimica Acta
(2020)
In situ calibration of an uncooled thermal camera for the accurate quantification of flower and stem surface temperatures
Ryan A.E. Byerlay a,*, Charlotte Coates a, Amir A. Aliabadi b, Peter G. Kevan a
a School of Environmental Sciences, University of Guelph, Guelph, Ontario, Canada b School of Engineering, University of Guelph, Guelph, Ontario, Canada

Polar Biology
(2020)
Heat accumulation in hollow Arctic flowers: possible microgreenhouse effects in syncalyces of campions (Silene spp. (Caryophyllaceae)) and zygomorphic sympetalous corollas of louseworts (Pedicularis spp. (Orobanchaceae))
Peter G. Kevan1

Newsletter of the Biological Survey of Canada
(December 2020)
Warm & Comfortable within Hollow Stems, Leaf-mines and Galls: Little known habitats for Entomologists & Botanists to explore
Peter G. Kevan1, Charlotte Coates1, Patricia Nunes Silva2, & Marla Larson1
1School of Environmental Sciences, University of Guelph, Guelph, ON N1G 2W1, 2 Programa de Pós Graduação em Biologia, Escola Politécnica, Universidade do Vale do Rio dos Sinos (UNISINOS), São Leopoldo, Brazil, 93022-750.

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Exploring Micrometeorology in Plants