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Optimisation de l’administration de nutriments aux chrysanthèmes en pots cultivés en serre

Le coût sans cesse croissant des engrais ne constitue qu’une des raisons pour lesquelles les producteurs de cultures agricoles et horticoles, en plein air comme en serre contrôlée, ont jugé bon d’examiner de plus près leurs taux et pratiques d’application. Partout au Canada, le secteur de l’horticulture, et particulièrement les serriculteurs, ont fait l’objet d’une surveillance accrue en tant que source de contamination possible lorsque des niveaux inacceptables de polluants ont été détectés dans les cours d’eau et les étangs voisins. La nécessité de respecter les réglementations de plus en plus strictes en matière de contrôle de la qualité des eaux de ruissellement provenant de l’irrigation établies par les organismes environnementaux s’avère dès lors tout aussi cruciale.

Par conséquent, les chercheurs tentent désormais de répondre à la question en apparence simple qui consiste à savoir « à quel point pouvons-nous réduire notre recours aux engrais? », le tout dans l’objectif de résoudre les deux dilemmes devant lesquels sont actuellement placés les floriculteurs de serre.

À l’Université de Guelph, M. Barry Shelp, Ph. D., mène actuellement un projet de recherche intitulé Optimisation de l’administration de nutriments aux chrysanthèmes en pots cultivés en serre : systèmes d’irrigation souterraine et d’irrigation goutte à goutte, et tente de vérifier l’hypothèse selon laquelle on peut considérablement améliorer l’utilisation des nutriments en modifiant de manière stratégique le moment où on administre des nutriments à la plante. Ce projet fait partie de la grappe Accélérer l’innovation végétale verte au profit de l’environnement et de l’économie et est financé par l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale (ACHO-COHA), des entreprises du secteur privé et le gouvernement du Canada dans le cadre du programme Agri-science du Partenariat canadien pour l’agriculture, une initiative fédérale, provinciale et territoriale. Il se consacre précisément à l’expérimentation de l’administration optimisée de micronutriments aux chrysanthèmes sous des systèmes d’irrigation souterraine et d’irrigation goutte à goutte.

dr. barry shelp

M. Barry Shelp
Université de Guelph

Essais commerciaux avec différents taux N (panneau supérieur) et NPK (panneau inférieur).

Le projet de M. Shelp s’inscrit dans la foulée de ses précédentes recherches menées dans le cadre du programme Cultivons l’avenir 2 (2013-2018), recherches ayant démontré l’efficacité de la réduction de l’utilisation des macronutriments. Dans le contexte du projet, M. Shelp a été en mesure de démontrer que l’apport en azote, en phosphore, en soufre et en potassium pouvait être réduit de 75 à 87,5 % par rapport aux normes actuelles de l’industrie, et ce, sans aucune incidence négative sur le rendement ou la qualité des cultures.

Selon M. Shelp, l’hypothèse élémentaire de sa recherche actuelle, qui consiste à tester les limites de la réduction des quantités d’engrais, semble très simple. Cependant, la compréhension de la physiologie des plantes et l’utilisation des capacités et des attributs inhérents à une plante pour éclairer les processus de prise de décision ayant trait à l’application d’engrais sont bien plus complexes, et ce sont d’ailleurs ces aspects qui l’ont amené à formuler son hypothèse.

« Depuis longtemps, avant même mes études postdoctorales, je m’intéresse aux caractéristiques des plantes liées à l’acquisition et à la redistribution des nutriments. Puis, j’ai compris que la source de nutrition d’une plante changeait au fur et à mesure de sa croissance et de son développement. Dans l’éventualité où cette hypothèse se confirmait, elle pourrait grandement influencer les pratiques commerciales de fertilisation. Bien que j’aie esquissé cette théorie il y a plusieurs années, je suis enthousiaste à l’idée de la mettre enfin à l’épreuve. »

En termes simples, M. Shelp explique que les jeunes plantes absorbent les nutriments par les racines, mais que ce processus change à mesure qu’elle se développe. Les plantes commencent alors à recourir aux nutriments acquis et stockés précédemment et les utilisent lors de la fructification et de la floraison. En réduisant stratégiquement les taux d’apport en nutriments, on peut amener les plantes à mieux absorber les nutriments au début du cycle de croissance et à redistribuer leurs ressources stockées plus tard dans le cycle pour alimenter leurs organes reproducteurs.

Plutôt que d’alimenter continuellement la plante en nutriments, le chercheur propose d’interrompre l’application d’engrais à un moment du cycle de croissance de la plante où ses feuilles ont stocké suffisamment de nutriments pour soutenir la croissance reproductive. En général, le début de la floraison s’avère le moment le plus propice, lorsque la plante passe de la croissance végétative à la croissance reproductive, qu’elle mobilise les nutriments le plus efficacement et que l’absorption des nutriments par les racines commence à diminuer. Étonnamment, cette procédure peut être combinée à une réduction de l’apport en nutriments aux jeunes plantes. Dans la mesure où cette réduction n’est pas excessive, l’efficacité de l’absorption des nutriments par les racines est optimisée de sorte que la plante acquiert et stocke la même quantité de nutriments que dans le contexte d’un apport beaucoup plus important.

Essais de recherche avec différents taux de Fe (panneau supérieur) et de Zn (panneau inférieur).

Mises en œuvre dans les serres expérimentales de l’Université de Guelph ainsi que dans les serres commerciales d’un producteur de la région du Niagara, les recherches de M. Shelp portaient sur le chrysanthème et étudiaient quatre variétés couramment cultivées et représentant la floriculture de serre la plus importante en termes de volume de ventes exprimé en dollars au Canada. On évaluait le rendement des cultures et la qualité générale des plantes, et l’analyse de la teneur en nutriments des feuilles réalisée par la division des services de laboratoire de l’Université a été utilisée pour fournir des renseignements sur le taux de micronutriments. À ce jour, M. Shelp a travaillé avec des systèmes d’irrigation souterraine qui, lorsque correctement gérés, permettent à la composition de la solution nutritive excédentaire de rester essentiellement la même afin qu’on puisse la recycler et la réutiliser. Il a toutefois l’intention de mettre à l’essai sa stratégie d’administration modifiée avec l’irrigation goutte à goutte attendu son importance dans l’industrie. Si on peut réduire l’apport en nutriments, il devrait être possible de diminuer l’irrigation excessive requise pour éviter l’accumulation de sel dans le milieu de culture, ce qui permettrait de conserver à la fois les nutriments et l’eau.

Une fois sa théorie sur la réduction de l’apport en macronutriments (azote, phosphore, potassium, calcium, magnésium et soufre) confirmée, M. Shelp a entrepris d’étudier l’impact de la réduction de l’utilisation des micronutriments. Dans des essais parallèles, le projet a examiné le zinc, le cuivre, le fer, le manganèse, le bore et le molybdène. Selon la composition des différentes formules commerciales étudiées, les résultats ont montré que l’apport en nutriments peut être réduit de 85 à 95 % au cours du cycle de culture, et ce, sans compromettre la qualité des plantes et des fleurs.

M. Shelp est conscient des difficultés liées à l’adoption de nouvelles technologies et pratiques de culture pour les producteurs. « Une fois que les producteurs ont trouvé une formule qui leur convient, on peut comprendre que tout changement comporte son lot de risques. » Il demeure néanmoins convaincu que ce n’est qu’une question de temps avant que les producteurs appliquent lentement les nouvelles lignes directrices en matière de réduction de la fertilisation issues de ses résultats de recherche.

Il est relativement facile de quantifier les économies pouvant être réalisées grâce à une utilisation moindre d’engrais. Calculer les économies issues de la réduction des coûts associés à la purification de l’eau d’irrigation usée, et en particulier des eaux de ruissellement provenant de l’irrigation goutte à goutte, peut toutefois s’avérer plus complexe. « Il est difficile d’attribuer une valeur au fait de respecter les réglementations rigoureuses établies par les organismes environnementaux. Les producteurs reconnaissent toutefois instinctivement que les avantages sont considérables. »

« Ces résultats de recherche déterminants laissent entrevoir plusieurs applications logiques subséquentes, y compris la production de floriculture ornementale en plein air et possiblement la production de cultures comestibles en environnement contrôlé », soutient M. Shelp.

chart 1

Administration optimisée de macronutriments pendant la croissance végétative.

 

Teneur en macronutriments des feuilles acceptable avec administration optimisée pendant la croissance végétative.

 

chart 3

L’apport de Mn n’a eu aucun impact sur la floraison pendant la croissance végétative.

chart 4

L’apport de Fe n’a eu aucun impact sur la floraison pendant la croissance végétative.

chart 5

Optimisation de l’apport de micronutrients pendant la croissance végétative.

 

chart 6

Apport acceptable de micronutrients foliaires pendant végétative.

De la recherche au transfert de connaissances

lights inside a greenhouse

Ayant consacré plus de 20 ans de sa carrière en recherche et vulgarisation à aider les floriculteurs de serre et les pépiniéristes à résoudre de nombreux problèmes de production, M. Youbin Zheng, Ph. D., de l’Université de Guelph est bien connu des producteurs du secteur de l’horticulture ornementale. Axées sur la production végétale dans des environnements contrôlés, les recherches de M. Zheng se sont penchées, au fil des ans, sur un éventail large et diversifié de problèmes de production pour le compte des producteurs de partout au Canada.

S’il fallait s’en tenir à un seul thème pour qualifier les nombreuses et diverses activités de recherche de M. Zheng, on pourrait les décrire comme une quête de solutions durables et écologiquement acceptables répondant aux enjeux actuels en matière de production. Sous la rubrique du secteur des végétaux extérieurs de pépinière, les travaux de M. Zheng ont porté sur une multitude de questions, allant des pratiques exemplaires en matière de fertilisation à l’amélioration de la qualité de l’eau et aux pratiques d’irrigation. En ce qui concerne le secteur de la floriculture en serre, ses projets antérieurs ont mis l’accent sur les milieux de culture, la fertilisation et les technologies d’irrigation. À l’heure actuelle, il s’intéresse aux défis associés à la récente tendance privilégiant l’éclairage à DEL ainsi qu’aux stratégies de gestion de la zone des racines.

Selon M. Zheng, être en mesure de transférer avec succès les connaissances issues de la recherche aux producteurs individuels dans un délai qui leur convient revêt la même importance que de poursuivre les efforts de recherche pour relever les défis actuels liés à la production. Il s’agit d’une tâche, dit-il, qui passe d’abord par la sensibilisation, et il estime qu’il est de sa responsabilité et de celle de l’équipe de recherche de l’Université de Guelph d’utiliser un large éventail de mesures pour susciter cette prise de conscience.

man

Dr. Youbin Zheng
University of Guelph

two plants in pots

« Il existe un grand nombre de variables qui détermineront les besoins d’un producteur ou motiveront sa décision d’instaurer de nouvelles pratiques de production basées sur les résultats de recherche. La recherche donne parfois lieu à des recommandations comme des modifications aux pratiques de fertilisation, faciles à adopter sans délai. Cependant, les résultats de nos recherches peuvent souvent nécessiter des mises à niveau complexes ou coûteuses qu’un producteur n’est pas en mesure de mettre en œuvre immédiatement. »

Zheng se fait un point d’honneur d’informer les producteurs qu’il suffit parfois de lui passer un simple coup de fil pour commencer à incorporer, dans leurs activités de culture, des techniques nouvelles ou améliorées. Il souligne qu’il n’est qu’un fragment d’une base de connaissances beaucoup plus large et que son rôle consiste à coordonner cette base pour assurer un transfert de connaissances efficace.

« Les chercheurs ne se contentent pas de mener des projets de recherche, ils font partie d’un réseau d’information complexe, explique M. Zheng. En plus de nos propres projets de recherche, nous avons l’occasion d’assister à des conférences scientifiques internationales, ce qui nous donne accès aux dernières théories scientifiques et aux résultats des plus récentes recherches. On incorpore ensuite tout ce savoir à notre base de connaissances. »

« La possibilité de former du personnel hautement qualifié constitue aussi un élément tout aussi important de la plupart des projets de recherche. Une fois leur diplôme en poche, beaucoup de ces individus travaillent pour l’industrie ou peut-être pour d’autres établissements de recherche, mais ils demeurent presque toujours en contact avec l’Université. Ils deviennent eux aussi d’importants contributeurs à notre base de connaissances. »

Bien que les chercheurs disposent de divers moyens pour diffuser les résultats de leurs recherches, M. Zheng mentionne que les rencontres en personne sont généralement les plus efficaces. Son nom figure presque toujours à l’ordre du jour de la Canadian Greenhouse Conference, et au fil des ans, il s’est adressé au secteur des pépiniéristes lors de conférences d’associations provinciales tenues partout au pays. Il reçoit couramment des appels téléphoniques de personnes ayant assisté à ses conférences il y a de cela jusqu’à cinq ans; appels commençant souvent par une question comme : « Vous souvenez-vous de la présentation sur la qualité de l’eau que vous avez donnée à la conférence BC CanWest il y a quelques années? ». « Il n’en faut généralement pas plus pour que je leur transmette les renseignements recherchés, explique M. Zheng. Mener une recherche est un processus relativement simple qui aboutit idéalement à un nouvel ensemble de données, le tout dans un délai prédéterminé. Ce n’est pas aussi facile de définir ou de prévoir quand et comment ces résultats seront utilisés par les producteurs. »

L’actuel projet de recherche de M. Zheng, intitulé Utilisation de l’éclairage à DEL pour accroître la production de cultures ornementales et spécialement conçu pour travailler en étroite collaboration avec le secteur de la floriculture, illustre bien sa philosophie de recherche.

Depuis plus de dix ans, les serriculteurs délaissent l’éclairage au sodium haute pression (High Pressure Sodium [HPS]) au profit de l’éclairage à DEL. Bien que cette nouvelle technologie se soit révélée à la fois économique et écologique, les avantages substantiels de l’éclairage à DEL pour la production des cultures constituent, selon M. Zheng, la véritable motivation derrière cette transition. La transition vers l’éclairage à DEL a été bien soutenue par le milieu international de la recherche. Toutefois, de nombreuses lacunes persistent dans les connaissances, lacunes ayant limité l’adoption généralisée de cette technologie par les serriculteurs.

Une fois les lacunes recensées, la recherche commence généralement dans les installations de l’Université, où on peut établir les paramètres de base. On les met ensuite à l’essai dans les serres commerciales, d’abord à titre expérimental, puis dans l’ensemble de l’installation de production.

Selon M. Zheng, la possibilité de contrôler le spectre de couleurs disponible constitue le véritable avantage de l’éclairage à DEL. Autrement dit, les différentes espèces de plantes réagissent différemment aux divers schémas de lumière à certaines étapes de leur cycle de croissance. La question est donc de savoir comment utiliser le spectre lumineux le plus efficacement possible pour répondre à leurs besoins précis et à leurs exigences de croissance. Par exemple, des combinaisons différentes de lumière bleue et rouge auront une incidence sur la photosynthèse et la hauteur moyenne de la plante. Cette variabilité est la raison pour laquelle nous voyons une telle abondance de recherches sur l’éclairage à DEL dans le monde. C’est aussi la raison pour laquelle les résultats finaux et la mise en œuvre varieront d’un producteur à l’autre.

grow lights

« Les objectifs de notre projet sur l’utilisation de l’éclairage sont clairs et simples. Ils visent à comprendre l’incidence de la qualité de la lumière sur la germination et le rendement des semences et la façon dont on peut modifier la qualité de la lumière pour optimiser l’homogénéité des boutures issues de plantes souches. Il existe une grande variabilité d’un producteur à l’autre. Notre véritable mesure du succès en tant qu’équipe de recherche est de disposer de données fiables; données que les producteurs peuvent ensuite adapter à leurs propres cultures avec notre aide. »

À l’issue de ce projet de recherche, M. Zheng ajoutera les résultats suivants à sa base de connaissances déjà vaste pour le compte des producteurs de cultures ornementales en serre :

  • des connaissances sur la possibilité et la manière d’utiliser la lumière pour améliorer la germination des graines et la croissance des semis pour diverses cultures ornementales dans des environnements contrôlés;
  • des recommandations sur les recettes d’éclairage pour la culture des plantes souches afin d’améliorer la qualité des boutures et de faciliter la récolte;
  • des conseils sur les circonstances dans lesquelles les lampes au sodium haute pression couramment utilisées peuvent être remplacées par de l’éclairage à DEL pour économiser de l’énergie et améliorer le rendement des plantes dans la production ornementale en serre;
  • des recommandations sur la manière d’utiliser des traitements de qualité et d’intensité moindre utilisant le spectre de la lumière à la tombée du jour pour contrôler la morphologie et la floraison de plantes ornementales;
  • des connaissances sur la possibilité et la manière d’utiliser des traitements de préfinition pour améliorer la robustesse des plantes pendant le transport et dans des environnements de vente au détail.

Le projet Utilisation de l’éclairage à DEL pour accroître la production de cultures ornementales fait partie de la grappe Accélérer l’innovation végétale verte au profit de l’environnement et de l’économie et est financé par l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale (ACHO‑COHA), des entreprises du secteur privé et le gouvernement du Canada dans le cadre du programme Agri-science du Partenariat canadien pour l’agriculture, une initiative fédérale, provinciale et territoriale.

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Étudie l’incidence des températures internes des plantes sur leur croissance

plants inside a greenhouse

Un projet de recherche canadien, le premier du genre au monde

À l’instar d’une serre, de nombreuses formes et structures végétales peuvent capter l’énergie solaire. La température interne de fleurs en forme de cuvette ou de parabole (comme le pavot, le bouton-d’or et l’anémone) peut être de plusieurs degrés plus élevée que celle de l’air ambiant. La pubescence de chatons de saule et de plantes similaires peut piéger la chaleur. Et, à l’intérieur de fleurs fermées comme les gueules-de-loup, la température interne est jusqu’à sept degrés Celsius plus élevée que celle de l’air ambiant.

La documentation à l’appui de l’observation de phénomènes liés aux structures florales remonte au 18e siècle. Plus récemment, les avancées technologiques ont permis de constater que l’effet de serre créé par les tiges creuses des plantes augmente la température à l’intérieur de celles-ci. Si un grand nombre de recherches traitent de l’incidence des températures ambiantes sur la croissance végétale, il reste qu’on comprend peu de choses sur la manière dont les variations de température attribuables à la forme des plantes, en particulier à l’intérieur de tiges creuses et d’autres structures, influent sur la croissance végétale.

Dans le cadre du projet de recherche « Températures internes des plantes horticoles (tiges et fleurs) », M. Peter Kevan, Ph. D., de l’Université de Guelph, et Mme Charlotte Coates, étudiante à la maîtrise, étudient les régimes microthermiques à l’intérieur de tiges florales et de fleurs dans l’espoir que leurs travaux déboucheront sur des applications concrètes dans des domaines tels que la culture, l’esthétique et, peut-être, la lutte contre les maladies et les ravageurs.

Selon M. Kevan, il s’agit d’un projet de recherche très pointu et le premier du genre au monde. « Nous avons une compréhension générale des mécanismes entrant en jeu dans l’effet de serre, mais très peu d’études ont été réalisées sur l’effet de microserre. La serre est un macromodèle doté d’un environnement extrêmement protégé et, en dépit de cela, nous ne parvenons pas à en maîtriser totalement de nombreux aspects ». M. Kevan et son équipe suggèrent que notre compréhension des interrelations entre les nombreux mécanismes de notre macromodèle — la serre — peut s’appliquer à l’étude de l’effet de microserre créé à l’intérieur des plantes, ces interrelations ayant une incidence réelle sur la croissance, la maturation, la reproduction et la santé des plantes.

Kevan explique qu’un régime microthermique décrit simplement les conditions présentes dans un très petit espace (micro = petit; thermique = chaleur ou température; régime = environnement). Notre projet de recherche est axé sur la serriculture florale et examine l’incidence des variations de température causées par l’effet de microserre qui se crée à l’intérieur des tiges creuses et d’autres parties végétales de plantes d’intérieur et d’extérieur.

« Nous avons eu de la chance, car la conception initiale de ce projet comprenait déjà une production intérieure et une production extérieure », fait remarquer Mme Coates, en ajoutant que l’équipe de recherche a pu poursuivre ses travaux en 2020 et en 2021 dans un environnement extérieur grâce à la mise en place de certaines mesures de protection supplémentaires contre la COVID-19.

peter kevan

Dr. Peter Kevan

University of Guelph

Charoltte Coates

Étudiante à la maîtrise

Figure 1. Fleur de citrouille (Cucurbita pepo L.). La photo du haut a été prise à l’aide d’une caméra infrarouge à balayage frontal qui produit une image thermique de la température à la surface de la fleur. L’échelle graphique indique la température (°C) qui correspond à chaque couleur de la photo.

Dans l’environnement extérieur, diverses variétés de courges ainsi que certaines plantes indigènes (p. ex. l’asclépiade) se prêtent parfaitement à la production de grandes quantités de données, lesquelles peuvent faire l’objet d’analyses ultérieures visant à déterminer l’incidence de la température et de la lumière sur la croissance des tiges et le développement des semences. Les résultats de ces analyses peuvent ensuite être transposés dans un environnement intérieur. Les travaux de recherche dans un environnement extérieur sont principalement menés sur des terres privées avec le soutien et au profit de producteurs participants des régions de Guelph, de Cambridge, de Kitchener-Waterloo, de Peterborough et d’aussi loin que les Laurentides au Québec.

Malheureusement, une partie de nos travaux préliminaires a été menée en vain dans les serres de l’Université de Guelph, car les restrictions d’accès instaurées en raison de la COVID-19 ont empêché l’équipe de surveiller ou d’entretenir leurs parcelles expérimentales initiales. Quoi qu’il en soit, M. Kevan est convaincu que les travaux qui seront réalisés au cours des deux prochaines années dans le cadre du projet de recherche produiront des résultats intéressants et, en fin de compte, utiles.

C’est grâce à l’équipement spécialisé de haute technologie à sa disposition — un équipement peut-être pas des plus sophistiqué par rapport aux normes actuelles —, que l’équipe de recherche a pu concevoir le projet et établir ses objectifs.

Figure 2A. Gerbéra de Jameson (Gerbera jamesonii) cultivé dans la serre Van Geest Brothers à Grimsby, en Ontario. La photo montre des enregistreurs de la température de l’air ambiant et de la température à l’intérieur de la tige. La parcelle à l’étude contenait des gerbéras à tiges plus ou moins creuses. Les résultats ont montré que les températures étaient plus extrêmes, à la fois plus chaudes et plus froides, à l’intérieur de tiges creuses qu’à l’extérieur de tiges pleines de gerbéras.

Figure 2B. Vous voyez ici un gerbéra de la variété Prestige avec un thermocouple à fil fin inséré à l’intérieur de la tige enregistrant la température interne et un autre thermocouple fixé à l’extérieur de la tige enregistrant la température de l’air ambiant.

Les thermocouples — sondes thermométriques constituées d’une paire de fils très fins — sont utilisés pour mesurer la température à l’intérieur de tiges, de fleurs et de fruits. Chaque unité portative d’enregistrement de données alimentée par batterie peut surveiller jusqu’à huit plantes pendant au moins sept jours consécutifs. Dans l’environnement extérieur, l’utilisation d’écrans anti-rayonnement éliminant l’effet de la chaleur rayonnante du soleil permet de comparer avec précision les températures internes aux températures ambiantes.

Des dispositifs de mesure du rayonnement solaire sont utilisés pour la collecte de données sur la quantité de rayonnement incident. Des spectromètres caractérisent le type de lumière présente. Branchés à un ordinateur, ils peuvent produire un graphique du spectre de la lumière visible et calculer l’étendue de chaque longueur d’onde de lumière présente à la fois à l’extérieur et à l’intérieur des structures creuses de plantes.

Des caméras thermiques sont utilisées pour mesurer avec précision la température à la surface des plantes. « Les caméras thermiques sont devenues un outil important pour de nombreux serristes, souligne Mme Coates. Toutefois, les modèles peu coûteux utilisés par les producteurs ne fournissent pas toujours des données très précises. L’un des objectifs de ce projet est de fournir aux producteurs des données qu’ils pourront utiliser pour mieux interpréter leurs propres lectures de caméra thermique. »

Conçues pour soutenir le secteur de la floriculture de serre commerciale et initialement axées sur la production de gerberas à forte valeur ajoutée, les recherches en cours sont menées grâce à la généreuse collaboration d’un serriculteur établi à Grimsby, en Ontario. Les résultats de ces recherches devraient aussi être d’un intérêt considérable pour le secteur des produits horticoles comestibles. Certaines observations préliminaires — mais non encore documentées — ont été faites sur l’incidence des variations de température à l’intérieur des parties creuses de poivrons cultivés dans la serre d’un producteur participant de Kingsville, en Ontario.

Figures 3A et 3B. Gueules-de-loup (Antirrhinum majus) de différentes couleurs poussant dans la serre expérimentale de l’Université de Guelph. Les températures à l’intérieur des pétales clos sont jusqu’à 4,5 °C plus élevées que celles de l’air ambiant.

Le travail de l’équipe dans l’environnement extérieur a également mis en évidence un lien avec les travaux de recherche en cours sur la préservation des populations de pollinisateurs, ajoute Mme Coates. Les températures florales ont une incidence non seulement sur le comportement des pollinisateurs, mais aussi sur des facteurs floraux tels que l’humidité, le port, la fertilisation et la production des semences. En étudiant diverses parties de plantes au moyen de techniques micrométéorologiques, nous pourrons mieux comprendre comment la température affecte les relations entre les pollinisateurs et les plantes. Ceci est un aspect particulièrement important pour la phénologie, car les plantes et les pollinisateurs dépendent de leur présence simultanée. Force est de constater que régimes de température affectent les systèmes pollinisateurs dans leur ensemble plutôt que les plantes et les pollinisateurs pris isolément.

Kevan remercie l’ACHO pour son soutien à l’égard d’un projet que beaucoup de gens peuvent considérer quelque peu hors norme, et il croit que les conclusions de ce travail de recherche et de suivi placeront le Canada sur la carte. « Nous avons déjà suscité l’intérêt de la communauté scientifique de partout dans le monde, notamment aux États-Unis, en Russie, en Australie, en Europe et en Inde », dit-il.

Figure 4, haut / la gauche. Photo infrarouge de fleurs de Gerbéra poussant dans la serre Van Geest Brothers. Température moyenne à la surface des fleurs : 22,5 °C; température moyenne à la surface des tiges : 20,7 °C; température moyenne à la surface des feuilles : 20,1 °C. Figure 4, bas / droite. Photo couleur des fleurs à l’étude.

Ce projet fait partie de la grappe « Accélérer l’innovation végétale verte au profit de l’environnement et de l’économie », et il reçoit un financement de l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale (COHA-ACHO), d’entreprises du secteur privé et du gouvernement du Canada au titre du programme Agri-science du Partenariat canadien pour l’agriculture, une initiative fédérale, provinciale et territoriale.

Liens connexes

International Journal of Biometeorology
(2018)
Short communication: thermal regimes in hollow stems of herbaceous plants—concepts and models
Peter G. Kevan1 & Patrícia Nunes-Silva1 & Rangarajan Sudarsan2

Bulletin of the North-Eastern Scientific Center, Russia
(2019)
Temperatures within flowers & stems: Possible roles in plant reproduction in the north
Peter G. Kevan1, Evgeniy A. Tikhmenev2, Patricia Nunes-Silva1

OPEN ACCESS GOVERNMENT, University of Guelph
(2019)
How plants regulate their body temperatures: Implications for climate change science & policy
Peter G. Kevan, University Professor Emeritus at the School of Environmental Sciences, University of Guelph

www.researchoutreach.org
(2019)
Secrets of the Stalk: Regulating plant temperature from the inside out
Dr. Peter Kevan

Annals of Botany
(2019)
The thermal ecology of flowers
Casper J. van der Kooi1,*, , Peter G. Kevan2 and Matthew H. Koski3,
1Groningen Institute for Evolutionary Life Sciences, University of Groningen, Groningen, the Netherlands, 2School of Environmental Sciences, University of Guelph, Guelph, Canada and 3Department of Biology, University of Virginia, Charlottesville, VA, USA

Thermochimica Acta
(2020)
In situ calibration of an uncooled thermal camera for the accurate quantification of flower and stem surface temperatures
Ryan A.E. Byerlay a,*, Charlotte Coates a, Amir A. Aliabadi b, Peter G. Kevan a
a School of Environmental Sciences, University of Guelph, Guelph, Ontario, Canada b School of Engineering, University of Guelph, Guelph, Ontario, Canada

Polar Biology
(2020)
Heat accumulation in hollow Arctic flowers: possible microgreenhouse effects in syncalyces of campions (Silene spp. (Caryophyllaceae)) and zygomorphic sympetalous corollas of louseworts (Pedicularis spp. (Orobanchaceae))
Peter G. Kevan1

Newsletter of the Biological Survey of Canada
(December 2020)
Warm & Comfortable within Hollow Stems, Leaf-mines and Galls: Little known habitats for Entomologists & Botanists to explore
Peter G. Kevan1, Charlotte Coates1, Patricia Nunes Silva2, & Marla Larson1
1School of Environmental Sciences, University of Guelph, Guelph, ON N1G 2W1, 2 Programa de Pós Graduação em Biologia, Escola Politécnica, Universidade do Vale do Rio dos Sinos (UNISINOS), São Leopoldo, Brazil, 93022-750.

YouTube video by Scientia Global
Exploring Micrometeorology in Plants

Efficacité de l’irrigation en pépinière : vers une approche plus durable

irrigated plants inside a hoophouse
Optimisation de l'irrigation des espèces de référence. Pépinière de l'Université Laval.
pic of a man
Dr Charles Goulet

Ayant fait l’objet d’abondants travaux de recherche, la culture en conteneurs dans les pépinières a beaucoup évolué au fil des ans, raison qui explique l’augmentation constante des catégories et des tailles de plantes cultivées en conteneurs. Bien que nous ayons également assisté à une amélioration correspondante des technologies d’irrigation au cours de cette même période, la complexité de la production en conteneurs en pépinière signifie que les pépiniéristes canadiens ont encore recours à des pratiques inefficaces d’irrigation par aspersion.

Le déplacement incessant des pots, rendu nécessaire par une foule de facteurs allant de la diminution des stocks pendant la saison des ventes aux exigences du stockage hivernal, ajoute aux coûts déjà supérieurs associés aux technologies plus efficaces d’irrigation au goutte-à-goutte. En outre, le manque d’automatisation en général des systèmes par aspersion signifie que la planification du régime d’arrosage repose principalement sur des intervalles d’irrigation minutés et des indices visuels. Dans ces conditions, l’arrosage risque d’être insuffisant ou excessif, deux situations potentiellement néfastes pour la croissance et la qualité des plantes. Et plus récemment, l’accès fiable à l’eau étant aussi devenu problématique pour de nombreux producteurs, la conservation de cette ressource se posecomme un enjeu de plus en plus important.

Le Dr Charles Goulet de l’Université Laval mène présentement un projet de recherche intitulé « Efficacité de l’irrigation en pépinière : vers une approche plus durable » (titre original : Irrigation efficiency in nurseries : towards a more sustainable approach) dont l’objectif est de permettre aux pépiniéristes d’optimiser leurs pratiques d’irrigation, c’est-à-dire de donner la bonne quantité d’eau, au bon moment, à la bonne plante. Ce projet est financé dans le cadre de la grappe « Accélérer l’innovation végétale verte au profit de l’environnement et de l’économie » par l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale (COHA-ACHO), des entreprises du secteur privé et le gouvernement du Canada par le biais du programme Agri-science du Partenariat canadien pour l’agriculture d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, une initiative fédérale-provinciale-territoriale.

Le projet actuel s’inscrit dans la continuité des travaux entrepris par le Dr Goulet dans le cadre de la grappe Cultivons l’avenir 2 (2013-2018) qui portaient sur l’utilisation de tensiomètres sans fil pour mesurer la quantité d’eau disponible pour les plantes et, consécutivement, élaborer un régime d’irrigation correspondant précisément aux besoins des végétaux. Cette technologie de pointe basée sur un interface Web sans fil a été jumelée à des systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte, avec ou sans matelas capillaire. La consommation d’eau et la croissance des plantes ont été mesurées pour déterminer l’impact de chaque régime. Les chercheurs ont pu conclure que l’irrigation de précision a le potentiel de réduire de manière significative la consommation d’eau en pépinière, car les tensiomètres sans fil fournissent des données fiables pour guider les décisions relatives à la programmation de l’irrigation. De plus, la technologie sans fil offre une liberté opérationnelle considérable en permettant aux producteurs d’accéder facilement aux données.

irrigation at a nursery
Optimisation de l’irrigation par automatisation sur le site de la pépinière commerciale.

Les besoins en eau d’une plante peuvent varier considérablement d’une espèce à l’autre, mais le suivi des besoins individuels à l’aide de tensiomètres serait à la fois compliqué et coûteux. Par conséquent, identifier les plantes aux besoins en eau similaires et les regrouper dans la pépinière est devenu un élément important du premier volet de ce projet de recherche. Pour faciliter la prise de décision sur les pratiques d’arrosage, telles que la fréquence et le volume d’eau, une série de plantes de référence représentant une bonne diversité d’exigences d’arrosage, ont été identifiées. En plus d’être un élément essentiel du processus de recherche, l’usage de références permet de regrouper les plantes selon leurs exigences culturales très spécifiques.

Les travaux initiaux ont été réalisés dans les installations de production de l’Université, où l’on s’est servi de tunnels pour atténuer autant que possible les impacts des événements météorologiques tels que la pluie, la température et le vent sur les données de recherche. Cependant, lorsque le projet a été transféré dans une pépinière commerciale, il s’est avéré nécessaire d’apporter plusieurs modifications à la conception générale du projet. L’utilisation de tensiomètres sans fil a fourni des données fiables à l’équipe de recherche et à celle de la pépinière, mais les difficultés associées aux facteurs météorologiques, en particulier le vent ou l’arrivée imminente d’une averse, ont finalement conduit les chercheurs à adopter une approche hybride pour la détermination des régimes d’irrigation. En définitive, la décision finale d’irriguer est revenue à l’équipe de production de la pépinière, guidée par les données fournies par les tensiomètres.

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Expérience sur le regroupement dans la pépinière de l’Université Laval.

Les données recueillies et les leçons tirées dans la première phase de ce projet de recherche ont largement influencé la conception de la phase actuelle et ses objectifs. Selon le Dr Goulet, « En raison des coûts, les pépiniéristes devront utiliser des systèmes d’irrigation par aspersion, mais la nécessité de gérer l’irrigation avec précision les amènera à tirer le maximum de leurs systèmes existants. Pour être vraiment efficaces en matière d’utilisation de l’eau, les différents régimes d’irrigation doivent être améliorés pour répondre aux exigences des espèces et du climat. »

Le premier objectif du projet actuel est d’améliorer la gestion de l’irrigation dans le contexte d’une pépinière au moyen de tensiomètres sans fil. Plus précisément, les travaux visent à optimiser l’utilisation des tensiomètres pour appuyer la pratique du regroupement. L’étude évaluera également l’influence du volume et de la fréquence des arrosages sur la croissance des plantes. Utiliser plusieurs espèces aux besoins en eau très différents en combinaison avec différents régimes d’irrigation (par exemple, en comparant différents volumes d’eau et différents intervalles d’irrigation) aidera les chercheurs à déterminer les quantités d’eau à donner ainsi que les effets sur la croissance des plantes. Des données plus précises seront recueillies au cours des deux premières années en menant l’expérience dans les installations de recherche de l’Université Laval, et les données obtenues seront utilisées pour déterminer les régimes d’irrigation à adopter quand les travaux seront transférés dans une pépinière commerciale.

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Mesure de la tension de l’eau du sol sur le site de la pépinière commerciale.

La recherche se poursuivra aussi dans le but de propager l’usage des pratiques de regroupement. Afin de répondre au mieux aux besoins d’arrosage très diversifiés du très large éventail d’espèces qui composent l’inventaire de la plupart des pépinières, le nombre d’espèces de référence sera augmenté. Selon le Dr Goulet, « Le processus de regroupement n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît, car les éléments qui influent sur la croissance globale des plantes comprennent des facteurs tels que la fréquence d’arrosage ainsi que la quantité d’eau donnée à chaque fois. Il ne suffit pas de regrouper les espèces en catégories de besoins en eau élevés, moyens et faibles. »

L’objectif du projet sera d’augmenter la liste des espèces de référence, qui passera des 10 espèces actuelles à un total de 15, et les recommandations de regroupement correspondantes passeront de 50 à 100 espèces. Afin d’assurer l’exactitude des données, cette composante du projet de recherche utilisera les installations des tunnels de l’Université Laval pour atténuer les impacts des événements météorologiques naturels.

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Optimisation de l’irrigation pour les espèces regroupées. Cette photo montre les matelas capillaires utilisés dans le projet de la grappe 2; ils ne font pas partie du projet actuel.

Pour réaliser son plein potentiel, l’irrigation de précision doit être soutenue par un solide procédé d’automatisation. Au cours des dernières années, de nombreux modèles intégrant diverses technologies d’optimisation du procédé d’irrigation ont été développés, et le troisième objectif de ce projet sera de déterminer les paramètres les plus utiles pour automatiser l’irrigation dans les pépinières commerciales. L’équipe de recherche évaluera si l’irrigation contrôlée par des mesures d’évapotranspiration donnera des résultats similaires à l’irrigation contrôlée par les tensiomètres sans fil de nouvelle génération. Le potentiel d’intégration de ces technologies fera aussi l’objet d’une analyse.

Toujours dans le but de fournir des recommandations pratiques pour une utilisation en pépinière commerciale, l’étude évaluera les différents paramètres qui pourraient être ajoutés au procédé d’automatisation à partir de données obtenues de sites météorologiques externes, notamment les prévisions de pluie quotidiennes, la vitesse du vent (pour retarder une irrigation prévue si le vent est trop fort) et les prévisions d’évapotranspiration. L’objectif final est de fournir aux pépiniéristes diverses options correspondant à leurs systèmes existants et à leurs ressources afin de les aider à acquérir de nouvelles technologies d’irrigation.

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Station météorologique utilisée pour l’automatisation de l’irrigation.

Un nouveau projet de recherche se penche sur l’amélioration des normes de pratique en matière de gestion efficace des bassins d’irrigation

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L’un des cinq mésocosmes mis en place dans un bassin d’irrigation sur le site d’une pépinière à l’été de 2019.

Les pépiniéristes utilisent un éventail de solutions, avec plus ou moins de succès, pour réduire la croissance biologique excessive, un problème qui affecte couramment les bassins d’irrigation servant de réserve d’eau recyclée. Cette croissance est responsable de l’obstruction de filtres d’admission et, par la suite, de coûts d’entretien importants. Vu le peu de recherches ou de données scientifiques à l’appui de méthodes de rechange et l’absence de normes de pratique claires sur la gestion efficace des bassins d’irrigation, le secteur a un besoin criant de données fiables sur des solutions abordables et durables qui peuvent améliorer la qualité de l’eau.

Plusieurs projets axés sur la qualité de l’eau sont actuellement financés par l’entremise de la grappe de recherches dirigée par l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale (ACHO-COHA). L’un de ces projets, Atténuer les répercussions de l’horticulture sur la qualité des eaux de surface en favorisant leur réutilisation grâce à une meilleure gestion des bassins, est dirigé par Mme Jeanine West, Ph. D., de PhytoServ. Ce projet, qui vise ultimement à aider les producteurs à gérer leurs coûts d’irrigation au moyen de stratégies de gestion des bassins plus durables et respectueuses de l’environnement, est financé par l’ACHO-COHA et le gouvernement du Canada dans le cadre du programme Agri-science du Partenariat canadien pour l’agriculture.

« Les pépiniéristes utilisent presque tous de l’eau recyclée, et ils finissent inévitablement par rencontrer des problèmes liés à la croissance biologique excessive de mauvaises herbes aquatiques, d’algues et de cyanobactéries (ou algues bleu-vert), en particulier pendant les mois chauds de l’été, affirme Mme West. Dans le cadre de ce projet, nous nous penchons sur l’utilisation de nouvelles méthodes de gestion de l’écoulement des éléments nutritifs (le phosphore en particulier) vers les bassins d’irrigation, puis nous examinons comment divers traitements au niveau des bassins peuvent améliorer la qualité de l’eau en général. »

Ce projet s’adresse à trois publics très différents : le grand public, dont les préoccupations environnementales grandissantes sont renforcées par des considérations esthétiques et les risques associés à la présence d’algues et de cyanobactéries dans les étangs et les lacs; divers ministères canadiens, tant provinciaux que fédéraux, qui ont adopté des règlements sur les épandages et les rejets pour diminuer l’utilisation excessive d’éléments nutritifs, en particulier le phosphore et les nitrates; enfin, les producteurs, qui ont besoin de stratégies de gestion des bassins d’irrigation efficaces et durables qui diminueront les coûts engendrés par l’obstruction de leurs systèmes d’irrigation, tout en les aidant à respecter les réglementations environnementales en place.

La première phase du projet, achevée en 2019 avec la contribution exceptionnelle d’un comité consultatif technique, a consisté à concevoir, à construire et à mettre à l’essai un modèle expérimental fiable assurant l’exécution de comparaisons efficaces entre divers traitements de l’eau. « Concevoir un modèle expérimental ne fut pas une mince entreprise, explique Mme West. Non seulement notre modèle devait-il permettre de mener des essais à une plus vaste échelle qu’à celle du laboratoire, mais il devait aussi tenir compte de contraintes physiques et budgétaires. »

« Au total, cinq pépinières de l’Ontario ont été sélectionnées comme sites de recherche, chaque site venant avec son lot de difficultés et de possibilités uniques. Comme nous l’espérions, chacune des pépinières participantes a fait preuve d’un grand esprit de collaboration en nous aidant à installer les diverses structures terrestres et aquatiques nécessaires à la mise en œuvre du projet, mentionne Mme West. Plusieurs pépiniéristes ont même participé à l’installation de lits multicouches nécessaires à l’étude de l’effet des traitements menés en amont des bassins. »

Dans le cadre de ce projet, dont l’objectif explicite est d’effectuer une évaluation et une comparaison systématiques de divers outils de gestion des bassins, Mme West et son équipe de recherche utilisent jusqu’à cinq mésocosmes (enceintes installées dans les bassins ou cellules d’essai) à chaque site. Chaque mésocosme a un volume de 1 à 2 m3 (selon la profondeur du bassin) et est ceinturé d’un tube de flottation en PVC, l’eau devant circuler autour des parois de chaque cellule et sous chacune d’elles. Pour les parois, nos conseillers techniques ont choisi une matière plastique couramment utilisée comme pare-vent. Après avoir eu quelques difficultés à définir le concept de perméabilité et son incidence ultime sur les résultats du projet, ils ont finalement déterminé que des données plus précises seraient obtenues en la présence d’échanges limités entre l’eau à l’intérieur des bassins et celle à l’intérieur des mésocosmes.

Sur chaque site, des essais sont menés dans au moins cinq mésocosmes (un mésocosme témoin) et des mésocosmes servant à l’étude d’au moins quatre des traitements suivants : macrophytes aquatiques immergées, aération au moyen de barboteurs mécaniques, milieu fixant le phosphore, ombrage végétatif par utilisation de lentilles d’eau et ombrage mécanique par utilisation d’une toile d’ombrage.

Dans une ferme, l’équipe de recherche a également mis en place une série de PhytoLinks–  îlots végétaux flottants qui ressemblent à des zones humides artificielles et qui sont spécialement conçus pour améliorer la qualité de l’eau. Les PhytoLinks™ ont été installés dans des canaux se trouvant à l’intérieur d’un bassin étroit : un canal est demeuré vide (témoin), tandis que dans les deux autres, on a installé deux PhytoLinks™ et deux PhytoLinks™ et un matériau en suspension servant de support pour la croissance du périphyton, une communauté complexe de microorganismes reconnue pour favoriser l’absorption des substances nutritives.

Tout projet de recherche mené dans des environnements extérieurs est soumis à de nombreuses variables imprévisibles. Mme West et son équipe ont fait face aux enjeux habituels. Plusieurs sites de recherche étant situés loin de sources de courant fiables, Mme West est devenue experte malgré elle dans la conception et l’installation de petits systèmes solaires utilisés pour alimenter un aérateur.

L’été exceptionnellement chaud de 2020 a entraîné une utilisation abondante de l’eau, ce qui a affecté la profondeur de l’eau dans certains bassins. Et, bien entendu, cette année, l’équipe a été confrontée au perturbateur ultime – les répercussions imprévues d’une pandémie.

Comme la plupart des travaux prévus pour 2020 ont été effectués à l’extérieur ainsi que dans des environnements à faible contact, Mme West et son équipe ont réussi à atténuer les répercussions de la pandémie de COVID-1 sur leurs travaux. Travaillant en collaboration avec Mme Ann Huber, l’équipe a pu embaucher des techniciens compétents membres de sa famille, ce qui lui a permis de se conformer aux lignes directrices relatives à la COVID-19 en milieu de travail.

Les analyses de l’eau restreintes effectuées en 2019 ont principalement servi à valider le plan d’expérience et les installations du système. Les prélèvements d’eau en bonne et due forme réalisés en 2020 et en 2021 permettront à l’équipe de recherche de consigner les résultats de chaque traitement et d’en étudier l’efficacité. Une sonde YSI ou multiparamètres est utilisée pour étudier et enregistrer divers paramètres tels que la température, les niveaux de pH, les concentrations d’oxygène dissous, les concentrations de chlorophylle a et de phycocyanine, la turbidité et la conductivité. D’autres échantillons d’eau et de sédiments sont envoyés aux Laboratoires A&L Canada pour analyse des concentrations d’éléments nutritifs et de produits chimiques. Des échantillons instantanés d’algues, de plantes aquatiques et de cyanobactéries sont prélevés régulièrement et analysés par Mme Ann Huber du Soil Resource Group à la recherche d’autres tendances et indicateurs de la santé des bassins. Certains des résultats les plus révélateurs à ce jour mettent en évidence la faiblesse des indicateurs de la qualité de l’eau utilisés dans certains des outils de mesure classiques ainsi que la nécessité d’étudier une gamme de paramètres et de méthodes d’essai pour obtenir un véritable portrait global de la santé des bassins.

« Nous transmettrons nos résultats au secteur à la fin de la saison, confirme Mme West. Toutefois, nous savons d’ores et déjà que ce ne seront pas des résultats concluants en raison du trop grand nombre de variables en jeu au cours d’une même année, en particulier les conditions météorologiques saisonnières et les changements dans les pratiques de production. Les essais que nous réaliserons pendant deux années complètes dans le cadre de ce projet ne suffiront pas à obtenir des résultats définitifs, mais ils devraient nous aider à nous orienter dans la bonne direction. Idéalement, nous devrions pouvoir mener une analyse après cinq ans d’essais. Tout ce que nous espérons, c’est de pouvoir prolonger notre expérience au-delà des contraintes temporelles liées à ce projet de recherche. »

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Les systèmes de traitement hybrides : une méthode de filtration de l’eau au potentiel prometteur pour les serriculteurs et les pépiniéristes

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Installation d’un système de traitement hybride permanent. L’utilisation des unités de traitement hybride mobiles permet d’optimiser, selon les besoins particuliers de chaque producteur, l’enchaînement des substances utilisées pour éliminer les régulateurs de croissance des plantes et les pesticides ainsi que les éléments nutritifs et les populations fongiques.

La recirculation de l’eau est de plus en plus reconnue comme une nécessité, vu l’enjeu à deux volets que représentent la disponibilité des ressources en eau et le rehaussement continu des restrictions environnementales en matière de ruissellement avec lesquelles doivent composer les serriculteurs et les pépiniéristes. Si la conservation de l’eau est devenue un objectif incontournable, il reste que l’eau de recirculation présente de nombreux risques et enjeux puisqu’elle renferme souvent des résidus d’éléments nutritifs, de pesticides et de régulateurs de croissance des plantes qui peuvent avoir un effet délétère sur la production agricole. Des chercheurs de partout dans le monde tentent d’améliorer la qualité de l’eau de recirculation, et plusieurs projets actuellement financés par la grappe de recherche dirigée par l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale (ACHO-COHA) se concentrent sur la recherche de solutions viables et abordables en ce sens.

La recherche « Favoriser la recirculation avec des systèmes de traitement hybrides » est un projet de deuxième phase qui s’inscrit dans la foulée des travaux de longue haleine menés par Ann Huber, Ph. D, microbiologiste de l’environnement, du Soil Resource Group. Ce projet fait partie de la grappe scientifique financée par l’ACHO-ACHO et le gouvernement du Canada dans le cadre des programmes Agri-science du Partenariat canadien pour l’agriculture.

Un système de traitement hybride est, tout simplement, une approche non végétalisée et artificielle qui assure la filtration et l’épuration de l’eau au moyen d’une série de filtres à matériaux organiques et inorganiques. Comme l’explique Mme Huber, « le système de traitement hybride est une technologie d’épuration de l’eau mettant à profit les recherches antérieures sur les zones humides artificielles et les bioréacteurs à copeaux de bois. Bien que les dispositifs actuels aient chacun fait la preuve de leur utilité pour l’élimination de certains agents pathogènes et éléments nutritifs, il existe de nombreux facteurs externes qui peuvent entraver leur efficacité. »

Les projets de recherche antérieurs de Mme Huber ont déjà démontré l’efficacité des systèmes de traitement hybrides pour l’élimination de certains éléments nutritifs, notamment l’azote et le phosphore, et agents pathogènes fongiques. L’objectif du projet actuel est d’élargir la portée de la recherche pour y inclure d’autres produits chimiques utilisés en serriculture, en particulier les régulateurs de croissance des plantes, que l’on sait affecter la croissance des plantes même lorsqu’ils sont trouvés en de très faibles concentrations dans l’eau de recirculation.

Assujettis à un cycle de financement habituel de quatre à cinq ans, les projets de recherche sont généralement définis en fonction de dates de début et de fin très précises. Cependant, comme les enjeux liés à l’eau dans le secteur de l’horticulture sont depuis longtemps une priorité absolue pour les gouvernements et l’industrie, Mme Huber est parvenue à faire de ses recherches sur les technologies de recirculation de l’eau une entreprise à long terme et pratiquement interrompue depuis 2007.

Non seulement les projets de recherche menés d’une manière continue par Mme Huber offrent-ils des avantages très évidents sur le plan de la communication de résultats de recherche sans cesse actualisés aux membres du secteur, mais ils génèrent aussi des gains d’efficacité non négligeables sur le plan financier. Ainsi, deux unités pilotes mobiles construites dans le cadre d’un projet de recherche antérieur financé avec le soutien de Fleurs Canada (Ontario), au coût de 50 000 $ chacune, font désormais partie intégrante de ce projet de deuxième phase.

« Pour autant que je sache, aucun autre système comme le nôtre n’est actuellement utilisé à l’échelle pilote pour la recherche sur la recirculation de l’eau, affirme Mme Huber. Ce système, tel qu’il est conçu, permet de faire l’essai de jusqu’à huit matériaux filtrants minéraux ou organiques dans n’importe quelle combinaison ou, encore, d’étudier le même matériau filtrant selon divers débits et temps de rétention. Qui plus est, ce système nous permet d’analyser l’eau d’une serre commerciale à la ferme sans pour autant compromettre la santé de la culture. »

Le travail de Mme Huber visait à l’origine à étudier la capacité des bioréacteurs de dénitrification à copeaux de bois à éliminer divers polluants présents dans l’eau. Bien qu’elle continue d’être optimiste quant à l’utilisation des copeaux de bois comme méthode efficace et économique pour éliminer certains contaminants, Mme Huber a inclus à la portée du projet de recherche en cours un certain nombre de matériaux filtrants minéraux – y compris le gravier concassé, la wollastonite, le sable filtrant et un mélange de gravier concassé et de scorie – afin d’élargir l’éventail des composants indésirables que peut éliminer un seul système de traitement « hybride ».

Par ailleurs, alors que d’autres chercheurs étudient des systèmes à matériaux organiques (p. ex. les copeaux de bois) utilisant un processus aérobie aux fins de l’élimination des résidus de pesticides et de régulateurs de croissance des plantes, Mme Huber et son équipe mènent une étude utilisant une approche anoxique qui permet de tirer profit de la capacité du système de traitement actuel à éliminer l’azote et les agents pathogènes fongiques.

Le projet de recherche actuel arrive à mi-parcours à l’automne 2020, et Mme Huber et son équipe ont réussi à atténuer les répercussions de la pandémie de COVID-19 qui aurait pu nuire à la progression de leur recherche. La plupart des travaux sont effectués à l’extérieur et dans des environnements à contact restreint. Par ailleurs, Mme Huber et sa collaboratrice, Mme Jeanine West, sont extrêmement chanceuses d’avoir des techniciens qualifiés au sein de leur famille.

Bien que les résultats préliminaires de la recherche ne soient pas concluants, les données recueillies par l’équipe de recherche à ce jour sont très prometteuses, comme en font foi les analyses de la qualité de l’eau et les résultats des épreuves biologiques. L’équipe a été en mesure de démontrer qu’on pouvait éliminer divers régulateurs de croissance des plantes et pesticides au moyen de plusieurs matériaux filtrants dans le cadre d’études par lots, et les résultats des épreuves biologiques démontrent que l’élimination des régulateurs de croissance des plantes a un effet positif sur la croissance. Fait intéressant, les épreuves biologiques sont capables de détecter la présence de certains régulateurs de croissance des plantes à des concentrations inférieures au seuil de sensibilité des épreuves de laboratoire.

Comme il s’agit d’une toute nouvelle technologie, seuls trois producteurs – deux floriculteurs et un pépiniériste – utilisent actuellement des systèmes de traitement hybrides pour traiter leur eau de recirculation. L’équipe de recherche est convaincue que ces premiers résultats atteindront leur objectif initial, soit offrir aux producteurs une approche valable et abordable pour produire une eau de recirculation propre pour leurs besoins de production.

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Équipe de recherche :

Dr. Ann Huber, Soil Resource Group

Dr. Jeanie West, Phytoserv

Mme Elizabeth Huber-Kidby, technicienne, se prépare à prélever des échantillons d’eau dans huit cellules, chacune contenant un matériau filtrant différent. Tous les échantillons d’eau sont envoyés aux laboratoires de l’Université de Guelph, où ils sont soumis à des analyses de détection de régulateurs de croissance des plantes et de pesticides, et aux laboratoires SGS Agri-Food (Guelph), où ils font l’objet d’analyses de détection d’éléments nutritifs.
Les deux remorques de traitement hybride mobiles, actuellement installées chez Walden Greenhouses, à Wainfleet, en Ontario, ont été conçues et construites pour le projet pilote de première phase.
Épreuve biologique portant sur le paclobutrazol (Bonzi™) : Les semences de brocoli sont mises en terre dans de la vermiculite trempée dans les solutions d’essai, à des concentrations allant de 6 à 400 microgrammes par litre (parties par milliard). Quatorze jours après la mise en terre, la longueur de l’hypocotyle de chaque plante est mesurée et comparée à celle de l’hypocotyle de plantes témoins (sans régulateur de croissance des plantes).